LES DESERTS MEDICAUX
La liberté d’installation du médecin et des autres professionnels de santé a une grave conséquence : des régions entières sont des déserts médicaux (les médecins généralistes partis à la retraite ne sont pas remplacés et un rendez-vous chez un spécialiste se prend quelques mois à l’avance…) tandis que l’offre de soins est pléthorique dans le sud de la France, là où brille le soleil et abonde la clientèle âgée.
Le législateur a timidement attaqué le problème, suggérant que les conventions nationales des médecins, infirmiers, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, auxiliaires médicaux et masseurs-kinésithérapeuthes prévoient des mesures incitatives comportant des aides à l’installation des praticiens dans les zones sous-médicalisées. Ces mesures sont définies après concertation avec les syndicats d’étudiants et de jeunes diplômés de ces professions (CSS, art. L. 162-5, 20° ; art. L. 162-12-2, 8° ; art. L. 162-9, 7° art. L. 162-19-9, 9°).
Seule la convention nationale des infirmières et infirmiers libéraux, modifiée par un avenant du 4 septembre 2008 (*) a entrepris de « rééquilibrer l’offre de soins infirmiers entre les régions » en mettant en œuvre des « mesures structurantes ». Ainsi, dans les zones « surdotées » (not. dans le sud-est), une infirmière ne peut être conventionnée que si une autre y cesse son activité définitivement ; à l’inverse, en zone « très sous-dotée » (au centre de la France, dans le nord et l’est mais aussi en région parisienne), l’assurance maladie accorde une aide à l’équipement (3000 € par an pendant 3 ans) et participe au paiement des cotisations sociales obligatoires (de 2760 € par an en moyenne) des infirmières qui s’installent ou se regroupent, dans le cadre d’une option conventionnelle à adhésion individuelle intitulée « contrat santé solidarité ». Une revalorisation des honoraires au 15 avril 2009 a été consentie en contrepartie de ces efforts. Ce dispositif, expérimental jusqu’en 2011, a été une réussite pour un coût modeste : dans les 145 zones très sous-dotées qui avaient été sélectionnées (5 % de l’ensemble des zones sous-dotées), les effectifs d’infirmiers ont augmenté de 10,6 % (120 professionnels supplémentaires) alors que dans les 210 zones surdotées ciblées (7 % des zones), ils ont baissé de 3 %.
Restreindre l’installation dans les zones sur-dotées est un impératif car, tant que les médecins seront rémunérés à l’acte, ils y gagneront leur vie. Une voie alternative consisterait à instituer une rémunération basée sur un forfait global par patient.
Les syndicats de médecins, quant à eux, restent allergiques à toute obligation (immédiatement qualifiée de « liberticide ») et ils réussissent généralement à faire plier le ministre de la Santé.
Ainsi, la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 « portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires » (dite « loi HPST ») a imaginé le « contrat santé solidarité » que le directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) peut présenter aux médecins exerçant dans des zones « où les besoins en implantations ne sont pas satisfaits » : ceux qui refusent de le signer ou ne respectent pas les obligations stipulées doivent s'acquitter d'une contribution forfaitaire annuelle au plus égale au plafond mensuel de la sécurité sociale (C. santé publ., art. L. 1434-8). Le dispositif devait entrer en application à partir de 2013 : la ministre de la Santé a déclaré dès 2011 qu’elle y renonçait…
À long terme, la mesure qui paraît la plus efficace est d’accroître le nombre d’étudiants en médecine dans les régions mêmes où il manque des praticiens et de les sensibiliser dès le début de leur cursus universitaire aux inégalités géographiques : éduqués dans des zones rurales ou défavorisées, ils seront plus enclins à y rester. En ce sens, la loi « HPST » prévoit que l’arrêté ministériel fixant le numerus clausus d’étudiants admis à l’issue de la première année des études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et de sage-femme« tient compte des besoins de la population, de la nécessité de remédier aux inégalités géographiques » (C. éduc., art. L. 631-1).
La loi « HPST » a également créé le « contrat d'engagement de service public » que peuvent signer des étudiants et internes en médecine : en contrepartie d’une allocation mensuelle versée au cours de leurs études médicales, ils s'engagent à exercer leurs fonctions à titre libéral ou salarié dans les zones (identifiées par le SROS) où l’offre médicale est insuffisante (C. éduc., art. L. 632-6). Mais la moitié des quelques 400 allocations annuelles ne trouve pas preneur.
Un autre remède à court terme aux déserts médicaux consiste dans le développement des « maisons de santé » (C. santé publ., art. L. 6323-3) qui regroupent des professionnels de santé et des personnels médico-sociaux dans des structures assurant des activités de soins sans hébergement.
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(*) L’avenant n° 1 à la convention (approuvé par arrêté du 17 oct. 2008 : JO 18 oct. 2008, p. 15981) a été conclu entre l’UNCAM et quatre syndicats infirmiers (Convergence infirmière, la Fédération nationale des infirmiers, l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux et le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux).