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10 juillet 2018 2 10 /07 /juillet /2018 23:05

 

 

SUR LA LIBERTE SEXUELLE EN DROIT

 

Le 4 juillet 2018, Mlle Chloé ULLERN (future avocate) soutenait, sous notre direction, un remarquable mémoire en vue de l'obtention du diplôme de l'Institut de criminologie et droit pénal de l'université Paris 2, intitulé : « Liberté, égalité, sexualité. Le droit et les limitations à la liberté sexuelle ».

 

Le sujet est bien plus original qu’il y paraît car son traitement est ici sociétal et juridique.

 

Une première idée forte : le sexe a cessé, il y a plusieurs siècles, d’être une affaire privée ; la société définit depuis lors ce qu’est le « bon sexe ». Le bon sexe est non seulement un rapport sexuel consenti (et non imposé, comme le rappellent les infractions d’agressions sexuelles et de viol) mais aussi acceptable. Or, la société juge non acceptable la sexualité des personnes incarcérées (prisonniers), des personnes placées en institution (telles les personnes âgées en maison de retraite) et des personnes handicapées qui se trouvent, quant à elles, enfermées dans leur propre corps (tels les tétraplégiques). Tous ces « déviants » devraient renoncer à la sexualité, quelle que soit la souffrance physique et morale (largement ignorée et pourtant considérable) provoquée par cette abstinence contrainte.

 

Deuxième idée forte : le droit restreint le choix du partenaire sexuel (en prohibant l’inceste ou les relations sexuelles d’un majeur avec un mineur de 15 ans), la fréquence des rapports sexuels (le viol entre époux a tardivement été reconnu comme un viol ordinaire, en France et dans d’autres pays) et punit le client de prostitué(e) qui sollicite une relation de nature sexuelle contre rémunération (loi du 13 avril 2016 : https://bit.ly/2KOiynh). Le droit n’est pas l’économie : là où cette dernière voit dans le sexe un marché soumis à l’offre et la demande, définit les êtres humains comme des agents économiques rationnels recherchant la minimisation des « coût de transaction » et la maximisation des « utilités » ou profits, le droit incarne d’abord des valeurs morales, c’est-à-dire une hiérarchie des valeurs. Quel meilleur exemple de l’opposition entre le droit et l’analyse économique ?

 

Troisième idée forte : le sexe, l’argent et le handicap sont trois tabous dans notre société. Un sujet les réunit tous trois : le recours à des « assistants sexuel » permettant aux handicapés physiques d’accéder aux plaisirs sensuel et charnel, comme tout être humain « normalement constitué ». Les assistants sexuels, dont quelques associations suisses et françaises organisent la formation (souvent des membres des professions para-médicales), sont en attente d’un statut juridique qui prémunisse des foudres du droit pénal aussi bien leurs clients handicapés que les associations concernées. Le législateur s’est empressé d’encadrer la fin de vie, consacrant l’euthanasie ou du moins le droit à une sédation profonde et mortifère (comme en France) mais n'a cure de la sexualité des handicapés. Et pour cause : le sujet, comme on l'a dit, est triplement tabou ! Le paradoxe est que la personne qui souffre d’une maladie incurable a, sous certaines conditions, le droit de mourir mais que les handicapés n’ont pas celui d’avoir une sexualité pour vivre une vie supportable.

Patrick Morvan

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Published by Patrick Morvan