La fille au pair et l'Urssaf
Employer une fille au pair étrangère
sans se fâcher avec l’urssaf
et en payant moins d'impôts
Un arrêt de la Cour de cassation du 20 septembre 2005 affirme qu’il appartient à un particulier employeur en France d’une fille au pair islandaise qui agit en restitution de cotisations sociales versées à l’URSSAF de prouver le caractère indu de ce paiement par la justification de l’affiliation de la jeune fille à un régime de sécurité sociale dans son pays d’origine (Cass. 2e civ., 20 sept. 2005 : JCP S 2005, 1359, note Patrick Morvan).
C’est l’occasion de rappeler que les filles au pair travaillant en France doivent être affiliées au régime général de la sécurité sociale et que leur employeur, au sein de la famille d’accueil, doit s’acquitter des cotisations correspondantes auprès de l’URSSAF, sauf à démontrer qu’elles relèvent d’un régime de sécurité sociale dans un autre État membre de la Communauté européenne (le cas des pays tiers devant être réglé à la lumière de la convention bilatérale de sécurité sociale qu’ils ont éventuellement conclue avec la France).
Principe de territorialité
En premier lieu, le droit de la sécurité sociale repose sur un principe de territorialité qui a de solides appuis textuels.
D’une part, le règlement communautaire n° 1408/71 du 14 juin 1971, qui institue une coordination entre les régimes de sécurité sociale des 27 États membres de la Communauté européenne auxquels s’ajoutent les 3 États membres de l’Association européenne de libre échange (la Norvège, le Liechtenstein et, justement, l’Islande) ainsi que la Suisse, prévoit que « la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre » (art. 13, § 2, a).
D’autre part, l’article L. 111-2-2 du Code de la sécurité sociale, issu de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, dispose que « sous réserve des traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés, sont affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale dans le cadre du présent code, quel que soit leur âge, leur sexe, leur nationalité ou leur lieu de résidence, toutes les personnes exerçant sur le territoire français, à titre temporaire ou permanent, à temps plein ou à temps partiel : – une activité pour le compte d'un ou de plusieurs employeurs, ayant ou non un établissement en France, et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ; – une activité non salariée ».
Personnes placées au pair
En second lieu, et de façon plus spécifique, un arrêté du 22 octobre 1985 fixant les cotisations de sécurité sociale dues au titre de l’emploi des stagiaires aides familiaux (JO 8 nov. 1985, p. 12967) dispose que « les stagiaires des deux sexes, titulaires d’un engagement d’accueil et reçus au pair en qualité d’aides-familiaux, donnent lieu au versement par la famille d’accueil de cotisations de sécurité sociale » calculées sur une base forfaitaire (par exemple 56 fois le Smic pour un salaire au mois). La cotisation d'assurance chômage n'est pas due.
En outre, un « Accord européen sur le placement au pair » (http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/068.htm) a été conclu le 24 novembre 1969 dans le cadre du Conseil de l’Europe (entré en vigueur en France le 30 mai 1971). Son article 10 dispose que « toute Partie contractante énumère, en les mentionnant à l'annexe I au présent accord, les prestations qui seront garanties à toute personne placée au pair sur son territoire en cas de maladie, de maternité et d'accident », au travers soit d’une affiliation à un régime de sécurité sociale, soit de la souscription d’un contrat d’assurance privée par la famille d’accueil.
Par ces règles convergentes, le droit de la sécurité sociale communautaire, européen et interne accueille donc les filles au pair au sein du régime général (régime de base des salariés) en France.
Exonérations sociales et fiscales au titre des "services à la personne"
De façon beaucoup plus générale, la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 a prévu que la rémunération de salariés occupant des emplois de « service à la personne » (précisément énumérés) ou le paiement d’entreprises ou d'associations prestataires agréées exerçant ce type d’activité ouvrait droit à des avantages sociaux et fiscaux. Après deux nouvelles modifications législatives (L. n° 2006-1771, 30 déc. 2006 ; L. n° 2007-290, 5 mars 2007), deux cas de figure se présentent.
1°) Si le particulier, fiscalement domicilié en France, est directement l'employeur (d'une fille au pair, par exemple), il acquitte des cotisations sociales calculées soit sur une assiette forfaitaire, soit sur une assiette réelle avec un allègement de 15 % des cotisations patronales (Code la sécurité sociale, article L. 133-7).
Il bénéficie en outre d'un crédit ou/et d'une réduction d'impôt sur le revenu égale à 50 % des dépenses engagées dans la limite de 12 000 € par an. Cette limite est majorée de 1 500 € par enfant à charge ou par membre du foyer âgé de plus de 65 ans, dans la limite de 15 000 €. Cette limite atteint 20 000 € pour : - les contribuables invalides ou ayant à leur charge une personne invalide de 3e catégorie, dans l'incapacité totale d'exercer une profession et dans l'obligation de recourir à l'assistance d'une tierce personne ; - ainsi que pour les contribuables ayant à leur charge un enfant gravement handicapé, donnant droit au "complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé" (Code général des impôts, article 199 sexdecies, qui distingue différents cas de bénéficiaires).
Ces règles fiscales (de même que la liste des 21 types d'activités de services à domicile reconnus, énumérées aux articles D. 129-35 et D. 129-36 du Code du travail), sont rappelées par l'Instruction de la DGI du 4 janvier 2008 ( http://alize.finances.gouv.fr/dgiboi/boi2008/5fppub/textes/5b108/5b108.pdf).
Cette instruction aborde aussi le cas des « jeunes gens placés au pair ». Ceux-ci n'entrent dans le champ d’application de l’avantage fiscal que s'ils "exercent leurs activités dans le cadre d’un contrat de travail relevant de la Convention collective nationale des salariés du particulier employeur". En revanche, n'ouvrent pas droit à cet avantage fiscal les simples "stagiaires aides familiaux", à savoir les "jeunes étrangers venus en France dans le but de perfectionner leurs connaissances linguistiques et, éventuellement, professionnelles et d'accroître leur culture générale par une meilleure connaissance du pays de séjour". Certes, les stagiaires aides familiaux sont placés au pair, c’est-à-dire accueillis temporairement au sein d’une famille en contrepartie d’une rémunération et d’avantages en nature. Mais ils ne sont liés à la famille d'accueil (plus précisément, à un "hôte" qui peut être le père ou la mère) que par un simple accord de placement au pair. En conséquence, bien que redevable de cotisations de sécurité sociale sur une assiette forfaitaire (V. ci-dessus), la famille d'accueil (l'hôte, dans le vocabulaire administratif) n'est pas considérée comme un employeur au sens du Code du travail.
L'accord de placement au pair peut être rédigé sur le modèle du formulaire Cerfa n° 61-2116 (http://www.immigration.gouv.fr/article.php?id_article=200), soumis au visa du Directeur départemental du travail (DDTEFP). Ce formulaire n'a en soi aucune valeur juridique mais il reproduit les règles contraignantes prévues par l'Accord européen sur le placement au pair de 1969 (précité), à savoir que :
- la personne au pair ne doit pas être âgée de moins de 17 ans ni de plus de 30 ans (sauf dérogation à cette limite maximale accordée par le DDTEFP),
- la durée initiale du séjour ne doit pas dépasser un an (pouvant être prolongée jusqu'à 18 mois - mais l'Accord européen fixe une durée maximale de 24 mois !),
- le temps consacré aux "tâches familiales courantes" ne peut excéder "en principe" 5 heures par jour,
- la personne au pair dispose au minimum d'une journée de repos par semaine dont au moins un dimanche par mois,
- le certificat médical dont la personne au pair doit être munie doit avoir été établi moins de 3 mois avant son déplacement et "doit indiquer son état de santé général",
- la langue normalement employée dans la famille est le français (!) et l'emploi du temps est aménagé de façon à permettre à la personne au pair de suivre des cours et de parfaire sa culture et ses connaissances linguistiques,
- en cas de faute lourde de l'une des parties ou lorsque des circonstances graves l'exigent, l'autre partie peut mettre fin immédiatement à l'accord.
Ce même formulaire prévoit en outre l'indication du montant de l'"argent de poche" versé. Soulignons que cet argent de poche (comme son nom l'indique d'ailleurs) n'est pas soumis à cotisations sociales puisque celles-ci sont calculées sur une base forfaitaire (V. supra). Bien entendu, l'hôte n'est tenu de verser à la personne au pair aucune autre rémunération que les avantages en nature (logement et nourriture) et l'argent de poche prévus.
2°) Lorsque l'employeur est une entreprise, une association ou un organisme agréé prestataire de services à la personne, c'est cette structure qui bénéficie d’une exonération de cotisations patronales dans la limite d’un plafond correspondant au SMIC horaire (CSS, art. L. 241-10, III bis et art. D. 241-5-7) et d’un taux réduit de TVA à 5,5 % (CGI, art. 279, i).
Le particulier client de la structure agréée n'est plus l'employeur mais il bénéficie toujours du crédit ou de la réduction d’impôt susmentionnée au titre des sommes qu'il lui verse.
Utilisation éventuelle du CESU
Rappelons que pour les emplois de services à la personne, les particuliers employeurs peuvent utiliser le chèque emploi-service universel ou CESU (qui a remplacé le chèque emploi-service et le titre emploi-service) comportant une partie chèque et un volet social (C. trav., art. L. 129-5 s., réd. L. n° 2005-841, 26 juill. 2005 ; art. D. 129-1 s.). Ce chèque, qui ne peut être édité que par un établissement de crédit, fait office de bulletin de paye, de contrat de travail à durée déterminée ou à temps partiel lorsque cet écrit est obligatoire (à condition que la durée du travail n'excède pas 8 heures par semaine ou 4 semaines par an ; à défaut, un contrat écrit doit être rédigé) et, bien sûr, d'instrument de paiement. Le volet social est expédié par le particulier employeur à l'URSSAF de Saint-Étienne, gérant le Centre national du traitement du CESU (CNT-CESU), qui effectue le calcul des cotisations sociales et prélève leur montant sur son compte. C'est le CESU bancaire.
Le CESU peut aussi revêtir la forme d'un titre de paiement nominatif servant à rémunérer des organismes prestataires agréés qui exercent, là encore, des activités de services à la personne (gardes d’enfants, de personnes âgées ou handicapées, aides à domicile les plus diverses – soutien scolaire, assistance informatique, travaux ménagers, soins d’animaux domestiques, petits travaux, etc. – ou à la mobilité). En ce cas, il peut être préfinancé par l’employeur ou un comité d’entreprise. C'est le CESU préfinancé ou Titre CESU. Cette aide financière n’est pas considérée comme une rémunération entrant dans l’assiette de l’impôt sur le revenu ni celle des cotisations de sécurité sociale (dans la limite de 1830 € par année civile et par salarié. C. trav., art. D. 129-31), est exonérée d’impôt sur le revenu pour ses bénéficiaires et ouvre droit à un crédit d’impôt de 25 % au profit des entreprises soumises au régime du bénéfice réel (C. trav., art. L. 129-13 s., qui précisent aussi le rôle du comité d’entreprise dans la gestion de cette aide qui reste étrangère à ses activités sociales).
Pour tout renseignement sur le CESU, cf. www.cesu.urssaf.fr
Patrick Morvan